Au cœur de SYNAPSE et ALFA : la relation de communication avec les personnes porteuses du syndrome d’Angelman
Pour commencer… des nouvelles de SYNAPSE
Après deux ans et demi de recherche, un an et demi de construction du dispositif de formation et un an d’expérimentation « grandeur nature » dans 3 établissements médico-sociaux, le projet de recherche-action SYNAPSE poursuit son chemin.
L’expérimentation du dispositif nous a permis d’évaluer sa pertinence et son efficience auprès des personnes formées, professionnels, parents et cadres des ESMS (Etablissements Sociaux et Médico-Sociaux) dans lesquels elle a eu lieu. Les évaluations nous ont permis de mettre en évidence les ajustements nécessaires pour mieux adapter le dispositif aux besoins du terrain : organisation du travail, approfondissement des connaissances et mise en pratique des outils de communication alternative. Cependant, les avis sont unanimes : SYNAPSE apporte des savoirs mais pas seulement. Et c’est là toute la différence : au fil des 12 journées de formation en présentiel, les postures des participants changent, les regards sur les personnes avec SA se transforment, les habitudes sont bousculées, certains a priori sont abandonnés, de nouvelles pratiques professionnelles sont mises en œuvre… Là où la formation SYNAPSE est passée, elle a laissé des traces, elle a questionné, et a donné l’impulsion pour un accompagnement plus approprié, intelligent et juste des personnes avec SA.
La genèse de SYNAPSE
Pour mieux comprendre, il faut faire quelques pas en arrière, aux origines du projet.
Les remontées des entretiens de 2017 avec des professionnels de terrain, ont mis l’accent sur des accompagnements en ESMS peu adaptés aux particularités des personnes avec le SA (PSA), et ont poussé Denise Laporte, Présidente de l’AFSA à cette époque, à interroger les parents par le biais d’un questionnaire. Ses résultats, sur la base de 144 réponses, ont confirmé une asymétrie entre ce que les familles mettaient en place en termes d’accompagnement (paramédical, CAA, etc.) et ce que les ESMS proposaient à nos enfants tous âges confondus.
L’idée d’un programme de formation spécialement conçu pour une montée en compétences des professionnels des ESMS accompagnant des PSA a vu le jour à ce moment-là.
La relation professionnels - PSA
Avant de construire un programme de formation que l’AFSA voulait ambitieux et novateur, la recherche scientifique a été confiée à Vanessa Rémery et à Myriam Meuwly (chercheuses en sciences de l’éducation et ergonomie du travail de l’Université de Genève), que l’on savait capables de transformer les pratiques de manière durable, et à Sophie Arborio (anthropologue de la santé, maîtresse de conférence à l’Université de Lorraine), pour interroger les professionnels des ESMS sur ce qu’ils trouvaient difficile au quotidien dans l’accompagnement des PSA, quelle représentation ils avaient de ces personnes et comment ils arriveraient ou pas à communiquer avec elles.
Le travail de recherche ethnographique mené par Sophie Arborio et Géraldine Letz (doctorante) en 2021, par le biais d’entretiens et d’observations sur le terrain, a permis de dégager notamment quatre pistes de réflexion autour desquelles construire le dispositif de formation SYNAPSE (Rapport SYNAPSE de S. Arborio et G. Letz, page 82) : « la formation et l’expérience professionnelles, le rapport avec les familles, la communication avec les PSA et le rôle des établissements. »
Ce rapport, disponible en pièce jointe à cet article, a permis également de produire une pièce filmée qui scénarise les questionnements, les difficultés mais aussi les réussites des professionnels. Véritable outil pédagogique permettant d’externaliser ses émotions et de se reconnaître dans l’« autre », cette pièce filmée sera proposée aux apprenants au cours de la formation SYNAPSE en tant qu’entrée en matière, pour briser la glace et les mettre en confiance.
Le rôle central des familles
Dans le Rapport SYNAPSE de Sophie Arborio, on peut lire à la page 84 : « la relation avec les familles représente un volet essentiel dans la mesure où la complexité du processus éducatif repose sur un maillage coopératif dans lequel les parents occupent un rôle central. En effet, la relation de communication avec la PSA est intriquée à celle qu’entretiennent les parents et les professionnels tout au long du parcours de PEC (Prise En Charge). »
C’est pourquoi, l’AFSA a jugé nécessaire d’étendre la même recherche anthropologique aux familles, pour avoir une vision complète des interactions qui se tissent autour de la PSA et avec la PSA-même et pour répondre, notamment, aux questions suivantes : parents et professionnels ont-ils les mêmes difficultés ? Utilisent-ils les mêmes leviers pour faire progresser les personnes qu’ils accompagnent ? Mettent-ils en place la même relation de communication ?
C’est en 2024 que la recherche ALFA (AngeLman FAmilles) a pu être effectuée par Sophie Arborio. Appliquant le même procédé d’enquête que pour SYNAPSE, Sophie Arborio a effectué des observations et des entretiens auprès de familles volontaires. Suite logique et nécessaire du volet anthropologique de SYNAPSE, ALFA vient le compléter avec un calendrier et un financement propres (fonds AFSA et Groupama Auvergne-Rhône-Alpes).
Le travail d’analyse de Sophie Arborio est disponible dans son Rapport (que vous trouverez ci-joint).
Ce rapport permet de donner des leviers complémentaires au futur dispositif de formation SYNAPSE, notamment au niveau de la relation parents-professionnels.
Encore plus important à nos yeux, ALFA donne la parole aux parents : une parole qui s’exprime pour la première fois, qui est recueillie et valorisée, qui exprime le vécu quotidien et les difficultés :
« Nous, on est passés par des phases aussi… oui, difficiles, de fatigue extrême — c’est comme si on n’avait pas dormi depuis neuf ans, c’est de ce niveau-là — et du coup, il y a des fois où… on n’y arrive pas, on est cuit ! » Rapport ALFA, page 35)
« Cette complexité au quotidien depuis toutes ces années (…) Il n’y a qu’en le vivant qu’on peut réellement comprendre les abysses du truc, de ce fonctionnement, à quel point ça nous a poussés dans nos retranchements, en fait, comment on a dû se… on a dû aller très, très loin : chacun sur nous-mêmes, comment ça nous a impacté psychiquement, physiquement (…) » Rapport ALFA, page 38)
mais également les petites victoires :
« C’est des années que ça va demander, c’est… et les victoires, elles sont toutes toutes petites. » Rapport ALFA, page 40)
Une parole décomplexée qui libère et déculpabilise, dans laquelle les familles des PSA pourront sans doute se reconnaître, qui peut les amener à réfléchir sur leur propre expérience et, peut-être, les faire se sentir moins « étranges ».
Ce travail pourra être utilisé à tous les niveaux, y compris au niveau politique, pour expliquer ce qui se passe dans nos familles, en donnant du poids à la parole des parents, en traduisant leur fatigue, leurs difficultés et leur résilience exceptionnelle.
Familles vs. Professionnels ?
Sophie Arborio a étudié la communication en termes de « relation à l’autre » dans deux univers parallèles, qui devraient être complémentaires : l’univers « institutionnel » des ESMS et celui des familles.
Si en famille la connaissance fine de l’enfant, la communication très individualisée et adaptée permettent à la PSA de s’exprimer et d’exister : « Au quotidien, les préoccupations des parents portent aussi sur la capacité de l’enfant avec le SA à « dire de soi » dans un rapport au monde rendu signifiant et ce, par le biais d’une communication appropriée. » (Rapport ALFA, page 108),
« À l’inverse » en ESMS «les professionnels sont débordés par la multiplicité des situations de handicap, au dépend de la personnalisation d’une PEC. » (Rapport ALFA, page 119).
Les propos de cette maman sont édifiants :
« Parce qu’en fait, le syndrome, les personnes porteuses du syndrome souffrent encore tellement d’une telle présomption d’incompétence et d’incapacité que… moi, ça me… enfin, vraiment, ça me touche forcément, et je me dis… voilà, j’espère que ça peut aider à prouver le contraire, en fait, qu’ils ont une réelle capacité d’apprentissage et des compétences, mais qu’effectivement, ça nécessite tout un savoir-faire pour les mettre en lumière » (Rapport ALFA, page 62).
SYNAPSE : un pont entre deux mondes
Nous constatons, au fil de pages et en comparant les deux Rapports, que les représentations, la motivation, les questionnements ne sont pas les mêmes et ces deux univers, celui des parents et celui des professionnels, ne sont pas faits pour se comprendre a priori.
C’est pourquoi nous avons cherché à créer des ponts, des passerelles, des liens pour permettre un dialogue constructif entre ces deux mondes : le dispositif de formation SYNAPSE, un espace coconstruit par et pour les professionnels et les parents, où ils peuvent échanger, apprendre et monter en compétences ensemble, avec un but commun : faire émerger les compétences de la personne avec SA, en améliorant sa qualité de vie au quotidien.
Voir la pièce filmée :