Diète cétogène: traitement non pharmacologique des épilepsies rebelles

Plusieurs études récentes ont montré que la diète cétogène (régime cétogène) était un traitement efficace des épilepsies pharmaco-résistantes de l’enfant, en particulier chez les enfants porteurs d’un syndrome d’Angelman. Pratiquement 50% des enfants voient leurs crises diminuer et 15 % d’entre eux sont libres de crises (1). Plusieurs types de diètes cétogènes existent : le régime cétogène classique, le régime Atkins modifié et plus récemment le régime à faible indice glycémique (Low Glycemic Index). Quel que soit le régime cétogène retenu, il est débuté en milieu hospitalier, nécessite un suivi médical strict et une éducation familiale des règles diététiques.

Historique

Dès l’antiquité, Hippocrate a décrit l’efficacité du jeûne dans le traitement de l’épilepsie, mais celui-ci ne sera utilisé que dans les années 1920, à la Mayo clinique (2). Initialement, son utilisation reste confidentielle du fait de son caractère contraignant et du développement de nombreuses molécules anti-épileptiques par l’industrie pharmaceutique. Le régime cétogène devient une réelle alternative thérapeutique non médicamenteuse depuis les années 1990, suite aux améliorations spectaculaires observées dans des épilepsies pharmaco résistantes, en particulier chez des enfants. Des recommandations internationales intitulées « optimal management of children recieving the ketogenic diet » ont été établies en 2009 ainsi qu’un consensus francophone.

Principes de la diète cétogène

Les régimes cétogènes sont caractérisés par une forte teneur en lipides (de 70 à 90% de la ration calorique totale) et une faible teneur en glucides. Les apports énergétiques et protéiques sont calculés pour assurer les besoins de l’enfant et notamment sa croissance.

   
alimentation normale  

diète cétogène 4/1


La source d’énergie est apportée par la β oxydation des acides gras qui alimentent le cycle de Krebs par la formation d’acétyl-CoA. Les corps cétoniques produits vont être utilisés par le cerveau et d’autres tissus pour sa production énergétique (figure 1)
Plusieurs mécanismes d’action sont évoqués pour expliquer l’effet antiépileptique de la diète cétogène. (3, 4)

  • modulation de la neurotransmission : diminution du glutamate, augmentation du GABA
  • stimulation de la biogenèse mitochondriale et modification du milieu cellulaire
  • action anti-épileptique directe des corps cétoniques, du 2-déoxyglucose, du fructose 1,6- diphosphate.
  • action neuroprotectrice

Une possible amélioration des fonctions cognitives a été rapportée récemment mais reste à confirmer (5-6)


figure 1 :

A. voies métaboliques lors d’une alimentation normale.

B. voies métaboliques lors d’un régime cétogène (reproduit avec l’autorisation du Dr A. De Saint Martin, Médecine des maladies métaboliques, mars 2013)

Les différents régimes cétogènes :

  • Le régime cétogène classique : il repose sur une proportion fixe entre lipides et non-lipides (glucides et protides) de tous les plats et repas de l’enfant. La proportion est fixée par le médecin prescripteur. Par exemple, on parle de régime 3/1 lorsqu’on apporte 3 g de lipides pour 1 g de glucide + protide. La quantité de glucides est extrêmement réduite et certains aliments disparaissent de l’alimentation : pain, pâtes, pommes de terre, riz … Il faut aussi exclure les médicaments contenant des sucres « cachés » (sirop, solutés…).
  • Le régime modifié de AKINS : c’est un régime très restrictif en glucides mais plus permissif en lipides et protéines. Les calculs sont plus simples puisqu’il n’est pas nécessaire de peser ou compter les protéines et lipides. Par  contre, il  faut se méfier d’une surreprésentation des protéines qui pourrait avoir des effets toxiques rénaux.
  • Le régime à index glycémique bas : l’apport glycémique est constant et à un faible taux (10%) pour induire une cétose mais la restriction est moins drastique que dans les régimes précédents. Pour se faire, il utilise des aliments à faible indice glycémique (< 50) c'est-à-dire les céréales complètes, les légumes secs… Quelques études suggèrent une efficacité  comparable à la diète cétogène classique. Des résultats prometteurs ont été publiés par l’équipe de E. Thiele chez les enfants porteurs de syndrome d’Angelman (7). Une étude de cohorte est en cours avec des résultats durables (communication personnelle)

NB : L'index glycémique d’un aliment mesure la rapidité d'absorption des glucides. Ainsi, les aliments à index glycémique bas font monter progressivement la glycémie, alors que les aliments à index glycémique élevé provoquent une élévation rapide de la glycémie. Des tables d’index glycémique des aliments existent.

La mise en place et la surveillance de la diète cétogène

Une visite initiale est nécessaire pour informer et évaluer la faisabilité du régime. Le médecin valide l’indication du régime et élimine d’éventuelles contre-indications (maladies métaboliques, insuffisance hépatique…). La diététicienne va recueillir les habitudes alimentaires de l’enfant, établir les rations caloriques et protidiques nécessaires, et présenter les contraintes du régime. Au terme de cette visite, une hospitalisation est programmée si la famille donne son adhésion au programme.

La mise en place de la diète cétogène se fait en milieu hospitalier en raison du risque d’hypoglycémie à sa phase initiale. La famille reçoit une éducation au régime : recettes, tables d’équivalence… et les coordonnées de l’équipe diététique avec qui elle restera en lien après le retour au domicile.
Une supplémentation en vitamines et oligo-éléments est nécessaire pour éviter des carences induites par la diète cétogène.

La surveillance de la diète cétogène se fait en consultation externe. La cétose engendrée par le régime va être surveillée par la mesure de la cétonurie (bandelettes urinaires) qui est faite au domicile, par les parents. L’impact de la diète cétogène sur le rythme des crises d’épilepsie est évalué sur l’agenda des crises (nombre, durée…) mais il faut souvent attendre plusieurs semaines avant de statuer sur l’efficacité ou non de ce traitement. La tolérance est évaluée sur les transmissions des parents : une constipation est souvent observée. Un suivi biologique et un suivi échographique rénal sont proposés pendant toute la durée du régime.

Les indications de la diète cétogène sont certaines maladies métaboliques et les épilepsies réfractaires, notamment celle du jeune enfant. Certaines formes d’épilepsies et/ou pathologies y semblent particulièrement sensibles : syndrome de West, état de mal myoclono-astatique, état de mal réfractaire, syndrome de Dravet, sclérose tubéreuse de bourneville, syndrome d’Angelman…

En conclusion, les diètes cétogènes sont des thérapeutiques reconnues des épilepsies pharmaco-résistantes de l’enfant. Leur mode d’action est maintenant mieux connu. Malgré les contraintes réelles de mise en place et de suivi, les diètes cétogènes doivent être considérées comme une alternative thérapeutique intéressante. Le régime à index glycémique bas, plus récent et moins contraignant semble prometteur, en particulier dans le syndrome d’Angelman.

Références bibliographiques :
(1) Neal EG. Lancet neurol 2008 ; 7 : 500-6
(2) Wilder RM. Mayo clin bull 1921 ; 2 :307
(3) De Saint Martin A. Médecine des maladies métaboliques 2013 ; 7 : 139-143
(4) Bough KJ. Epilepsia 07 ; 48: 43-58
(5) Lambrechts DA, acta neurol scand, feb 2013 127 (2): 103-8
(6) Singh RKn, Pediatrics 2014, nov 1334(5) : 1431-5
(7) Thiele E. Epilepsia, 2012, 53 (9) : 1498-1502.

Agenda 15 : Le Pr Rima Nabbout, Centre de référence des Epilepsies rares de l’enfant, envisage d’organiser une journée sur les diètes cétogènes en 2015. L’équipe de E. Thiele de Boston est pressentie pour intervenir.

Par Sylvianne Peudenier, Neuropédiatre

 

Nous vous proposons de visionner le webinaire du Dr Ron Thibert, épileptologue spécialiste du syndrome d'Angelman et du régime LGIT (low-glycemic index dietary seizure treatment, régime à faible index glycémique pour le contrôle de l’épilepsie), réalisé par Angelman Syndrom Foundation et traduit en français et sous-titré par l’AFSA.

 

Plus d'informations : www.cetojaime.com

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